Thème 1 Métabolisme de l’H2

 I.1. Une enzyme multi-multirésistante : l’hydrogénase membranaire d' Aquifex aeolicus 

A. aeolicus est une bactérie ancestrale hyperthermophile (température optimale de croissance de 85°C). Elle contient trois hydrogénases (hase) à [NiFe], enzymes-clés du métabolisme de l'H2, deux étant membranaires (hases I et II) et une soluble (hase III cytoplasmique). Nous avons montré que l’hase I est caractérisée par (i) la thermostabilité, (ii) l’insensibilité au CO et (iii) la tolérance à l’O2, propriétés non retrouvées chez les hases à [NiFe] dont celles de Desulfovibrio étudiées au laboratoire. En collaboration avec le Pr W. Lubitz du Max Plank Institut (Mülheim, Allemagne), des études spectroscopiques (Mössbauer, RPE résolues dans le temps), de l’hase I ont permis de déterminer les états redox du site actif et des relais électroniques FeS, et de montrer que le cluster FeS proximal était pentacoordiné. Cette géométrie du cluster semble être commune à l’ensemble des hases énergétiques et tolérantes à l’O2 (coll. BIP9). Des études mécanistiques ont permis de pointer une cinétique lente d'inactivation par l’O2 et très rapide de réactivation, comparée à celles des hases sensibles à O2 (coll. BIP6).



I.2. Immobilisation fonctionnelle des hydrogénases sur interfaces électrochimiques

L’électrochimie permet l’obtention de données cinétiques et thermodynamiques sur les enzymes redox à condition que le transfert d’électrons entre enzyme et électrode soit effectif, à l’instar du transfert d’électrons intermoléculaire au sein des chaines métaboliques. En couplant électrochimie, spectroscopie de surface (coll. S. Lecomte, CBMN Bordeaux) et dynamique moléculaire (coll. M. Baaden, IBPC Paris), nous avons défini à l’échelle moléculaire les paramètres physico-chimiques clés d’une immobilisation fonctionnelle de diverses hases à [NiFe]. Dans le cas particulier de l’hase I d’A. aeolicus, nous avons démontré le rôle de l’hélice trans-membranaire sur le processus de transfert d’électrons interfacial. Nous avons également caractérisé divers nanomatériaux conducteurs, susceptibles de former des réseaux présentant une hiérarchie de pores, et fonctionnalisables chimiquement pour un ancrage spécifique des enzymes : nanofibres de carbone (coll. R. Gadiou, IS2M, Mulhouse), nanotubes de carbone, nanoparticules de carbone (coll. M. Oppalo, Varsovie, Pologne), et enfin nanoparticules d’or. Nous avons établi la relation entre vitesse du transfert d’électrons interfacial, nombre d’enzymes électriquement connectées et surface développée/chimie de surface/hiérarchie de pores de ces divers nanomatériaux. L’étude de l’immobilisation fonctionnelle des hases est poursuivie via la rationalisation des paramètres moléculaires clés de l’immobilisation des hases O2-tolérantes (collaboration O. Lenz, TU Berlin).



I.3. Métabolisme de l’H2 au sein d’un consortium bactérien synthétique

Le projet sur la production d’H2 lors de la dégradation de la biomasse, débuté afin de valider le concept de production de l’H2 à partir d’ordures ménagères (coll. VEOLIA), s’est développé sur un axe plus fondamental centré sur l’étude des interactions bactériennes au sein d’un consortium et leur conséquence sur le métabolisme de l’H2. Ainsi, l’étude métabolique du consortium synthétique constitué de Clostridium acetobutylicum (bactérie productrice d’H2 et impliquée dans la dégradation de la biomasse) et Desulfovibrio (bactérie faisant partie des consortia naturels) montre une augmentation de la production d’H2 associée à une orientation du flux de carbone vers la production d’H2 dans la bactérie Clostridie. Le couplage de la microscopie de fluorescence et de la microscopie électronique à balayage, a permis la mise en évidence d’interactions physiques, « nano-tubes-like », entre les deux types de bactéries dans le consortium associées à un échange de matériel cytoplasmique entre les deux bactéries. Le rôle du stress nutritionnel dans cette interaction ainsi que le caractère générique d’un tel phénomène ont été démontré.